Les adolescents à l'hôpital
Les hôpitaux ont progressivement construit une offre de soins à l’intention de la population adolescente parce que ses besoins spécifiques étaient de mieux en mieux reconnus, même si l’émergence d’une « médecine de l’adolescent » demeure imparfaite.
L’une des raisons en est la difficulté à repérer précisément la tranche d’âge concernée. Pour l’OMS, on évoque au sens large la période de 11 à 24 ans, limitée par de nombreux spécialistes à 12-19 ans, alors que les textes règlementaires français supposent une majorité sexuelle à 15 ans, une majorité « psychiatrique » à 16 ans et une majorité légale à 18 ans.
“Health Behaviour in School-aged Children”, une étude comparative publiée en 2007 par HBSC
Menée dans 41 pays ou régions du monde occidental, cette enquête interroge des élèves de 11, 13 et 15 ans sur leurs comportements de santé et leur consommation de produits psycho-actifs. Plus de 7 000 adolescents français ont été interrogés en 2006 qui à 87% se déclarent en bonne santé.
L’étude identifie néanmoins deux points sensibles. C’est en France que la communication avec les parents apparaît la plus difficile. Seulement 66% des filles et 71% des garçons déclarent communiquer facilement ou très facilement avec leur mère (dernière place sur 41 pays). Pour la communication avec le père, la France arrive en avant dernière place, 56% des garçons et 31% des filles évoquant une communication facile ou très facile. Ce critère est important car les enfants ayant une bonne communication avec leurs parents fument et boivent souvent moins et ont une meilleure perception de leur santé.
Le second point noir de cette étude concerne les adolescentes. Plus d’une élève de 15 ans sur deux déclare des syndromes de plainte, critère indirect de santé mentale. Le « syndrome de plainte » est défini par le fait de déclarer la survenue, au moins une fois par semaine dans les six mois précédant, d’au moins deux des symptômes suivants : mal de tête, mal de ventre, mal e dos, difficulté d’endormissement, étourdissement, irritabilité, nervosité.
Pour en savoir plus : www.hbsc.org
« Drogues, chiffres clés », une étude de l’Office Français des Drogues et Toxicomanies (OFDT) publiée en février 2012
L’usage régulier du cannabis diminue pour ne plus concerner que 6,5 % des jeunes de 17 ans contre 7,3 % en 2008, les garçons étant plus nombreux en proportion à déclarer un tel usage (9,5 % contre 3,4 % pour les filles).
En légère baisse par rapport à 2008, l’expérimentation de cocaïne parmi les jeunes de 17 ans passe de 3,3 % à 3 %, et concerne plus souvent les garçons que les filles.
La proportion d’expérimentateurs d’héroïne, après une hausse entre 2005 et 2008, est également en diminution à 17 ans.
L’expérimentation d’ecstasy poursuit le mouvement de baisse amorcée en 2002 et concerne 1,9 % des jeunes de 17 ans.
À 17 ans, le tabagisme quotidien connaît une hausse de 10 % entre 2008 et 2011 pour concerner 32,7 % des garçons et 30,2 % des filles.
Plus d’un adolescent de 17 ans sur dix déclare une consommation régulière d’alcool. Cette proportion est en hausse entre 2008 et 2011. La consommation régulière d’alcool reste plus importante parmi les garçons (15,2 % vs 5,6 % parmi les filles).
Pour en savoir plus : http://www.ofdt.fr/BDD/publications/docs/dcc2012.pdf
L’analyse de Jean-Christophe Müller, directeur de l’Hôpital des enfants de Margency (Croix-rouge française)
« Notre établissement de soins de suite et de réadaptation (SSR) accueille des patients de quelques semaines à 17/18 ans. Nous ne séparons pas les enfants des adolescents à proprement parler mais regroupons au maximum les patients en fonction de leur âge. La spécificité de l’âge adolescent se voit plutôt à travers nos activités scolaires et périscolaires. En effet, nous avons une école intra muros en partenariat avec l’Education nationale et des activités culturelles grâce à une équipe éducative située sur notre site ».
Plus d’informations : http://ctp-margency.croix-rouge.fr
Le point de vue du Pr Claude Ricour, pédiatre et consultant au CHU Necker-Enfants-Malades à Paris
« Ne mettons surtout pas les adolescents à part mais disons que pour les pathologies aiguës (appendicite, gastro-entérite, traumatologie, etc.), à partir de 16 ans, les urgences pédiatriques ne sont plus adaptées pour une simple et bonne raison : la morphologie de l’adolescent !
Pour les pathologies chroniques (asthme, obésité, etc.), apparues dans la plupart des cas dès la petite enfance, le pédiatre a déjà tissé des liens étroits avec les parents et l’enfant. Puis, très vite, vers 11-12 ans, le patient doit progressivement devenir l’interlocuteur principal. C’est l’âge clé, même si ce n’est facile ni pour les parents, ni pour le médecin. La première fois où l’enfant peut donner son avis est essentielle, le médecin doit changer son regard très tôt, comme l’entourage familial.
Par ailleurs, les troubles du comportement chez l’adolescent (d’ordre psychologique, troubles de l’alimentation, addictions, etc.) nécessitent des prises en charge spécifiques et adaptées. »
Le regard du Dr Jacques Piant, ancien chef du service de psychiatrie infanto-juvénile du CH de Gonesse
« Tentons d’abord de définir l’adolescence selon un double point de vue légal et pathologique afin de mieux comprendre les modalités de prise en charge en psychiatrie.
En France, on distingue la psychiatrie infanto-juvénile jusqu’à 16 ans de la psychiatrie générale, celle des adultes à partir de 16 ans. Pourquoi la situation est-elle quelque peu absurde ? Deux raisons : les services de pédiatrie des hôpitaux généraux accueillent eux les enfants jusqu’à l’âge de 15 ans et trois mois et de nombreux services de psychiatrie « adulte » refusent, pour des raisons de sécurité, les adolescents entre 16 et 18 ans, car ils ne sont légalement pas majeurs.
Il me semble plus intéressant de réfléchir en fonction des pathologies pour différencier les modalités de prise en charge. En psychiatrie, nous avons identifié des troubles spécifiques à la période de l’adolescence qui concernent une population importante : anorexie, conduites suicidaires, troubles graves du comportement, etc. Dans ce cas, il me semble indispensable d’ouvrir des espaces thérapeutiques spécifiques. C’est ce que nous avons réalisé au CH de Gonesse, pour les 12-18 ans.
Mais c’est aussi une période où peuvent apparaître des pathologies « adultes » comme la schizophrénie, qui vont nécessiter un traitement de longue durée. Il me semble alors préférable de diriger progressivement l’adolescent vers un service de psychiatrie générale pour éviter une rupture de prise en charge à sa majorité. »
Les maisons des adolescents
Lancé à l’issue de la conférence de la famille de 2004, le programme « maisons des adolescents » visait la création d’une maison des adolescents par département en 2010 soit environ une centaine de « maisons ».
En termes d'offre de soins, les « maisons des adolescents », dont la plus connue est sûrement la « maison de Solenn » fondée par le Pr Marcel Rufo, assurent une prise en charge de l'adolescent dans toutes ses composantes. Pour cela, elles regroupent le plus souvent des consultations en médecine générale, pédiatrie, psychiatrie, gynécologie, dermatologie, addictologie et nutrition. Elles n'ont toutefois pas vocation à se substituer aux établissements de soins et à la médecine de ville. Au contraire, elles tiennent compte de l'offre de soins existante et fonctionnent en étroite collaboration avec l'ensemble des partenaires locaux (hôpitaux, services sociaux, missions locales, justice, éducation nationale…). Elles doivent notamment développer des liens étroits avec un ou plusieurs établissements de santé (via une convention, par exemple) afin de faciliter l’orientation ou l'hospitalisation de certains des adolescents quand elle est nécessaire. Le niveau de l'offre en soins ambulatoires doit être adapté, en fonction des besoins identifiés, pour chaque projet proposé. Les consultations peuvent être effectuées par des médecins hospitaliers des établissements de santé partenaires ou par des médecins de ville.
Pour connaître la liste des maisons des adolescents : http://www.sante.gouv.fr/maisons-des-adolescents.html
Un premier hôpital dédié aux adolescents
Le Pr Marcel Rufo est à l’initiative de ce projet qui ouvrira ses portes dans l’ancien hôpital pluridisciplinaire Salvator de l’Assistance Publique des Hôpitaux de Marseille (AP-HM) courant 2012.
Structure novatrice unique en France, l’Espace méditerranéen de l’adolescent (EMA) proposera une prise en charge complète des adolescents en souffrance, de la crise aux soins de suite, intégrant la médiation culturelle et l’accompagnement scolaire.
L’hôpital sera piloté avec différents partenaires de santé et médico-sociaux, ainsi que l’Education Nationale et les collectivités territoriales.
L’EMA a aussi vocation à devenir également un centre de ressources, de recherche et d’enseignement autour de l’adolescence en souffrance, en lien avec les Universités de Marseille et d'Aix-en-Provence ainsi qu’avec le CNRS, l’INSERM et l’INCA.
Pour en savoir plus : http://fr.ap-hm.fr/ap-hm/enjeux/evolution-hopitaux-sud/ema-espace-mediterraneen-adolescent