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La vie à l'hôpital 07/04/2015

Les étrangers à l'hôpital

femme noire accueil consultation

A l’heure où se développe dans le monde le « tourisme médical », quelle est la place des hôpitaux publics français dans ce phénomène ? Ceux-ci continuent-ils de prendre en charge des patients originaires de pays pauvres ?

Les hôpitaux publics face au “tourisme médical”

En 2008, le tourisme médical a rapporté plus de 1 milliard d’euros à l’Asie, la Thaïlande reçoit plus de 400 000 patients étrangers chaque année, l’Inde près de 150 000. En Europe, la Belgique ou l’Allemagne n’ont pas hésité à attirer cette “clientèle“.
Dans les établissements publics hospitaliers français, confrontés à d’importantes difficultés financières, cet appel à des patients étrangers solvables peut-il être envisagé ? Deux conceptions s’affrontent dans un contexte de saturation des urgences et de restrictions budgétaires. Le principe d’égalité des soins pour tous implique qu’il ne peut y avoir de traitement privilégié d’un patient, que celui-ci concerne les soins délivrés ou l’hôtellerie.
Pour l’ensemble des hôpitaux parisiens, les patients étrangers représentent environ 1,2% du total, dont près de 40% viennent d’Europe. Quand l’Assistance publique des hôpitaux de Paris (AP-HP) reçoit un patient étranger payant de sa poche (ou couvert par une assurance privée), si riche soit-il, elle applique le même tarif que celui qu’elle facture à la Sécurité Sociale pour un assuré français, alors que les patients étrangers seraient souvent prêts à payer bien davantage.
Alors, même chambre, même traitement, même personnel et pas le même tarif ? Le Ministère de la santé reconnaît qu'il s'agit d'un sujet émergent et que la réflexion sur celui-ci n'est pas aboutie.

Les spécificités de l’accueil des patients étrangers : trois exemples d’une prise en charge adaptée

La consultation transculturelle (ou ethnopsychiatrique) de l’hôpital Avicenne (Bobigny)

Ouverte par Marie-Rose Moro il y a 20 ans, la consultation d’ethnopsychiatrie propose principalement aux enfants et adolescents un cadre thérapeutique spécifique, quand patient et soignant ne partagent pas la même culture d’origine, voire la même langue. Le Pr Moro précise “On a été les premiers à se dire que, pour accueillir et comprendre les patients, il fallait d’abord introduire la langue maternelle. Pour que l’échange soit possible, je veux comprendre exactement ce que dit la personne et qu’elle comprenne exactement ce que moi je dis. Les symptômes sont les mêmes que ceux de tous les autres jeunes patients de France mais, pour les soigner, il est parfois nécessaire de prendre en compte leur trajectoire d’enfants de migrants.”
La consultation transculturelle est une consultation de deuxième intention, lorsqu’une prise en charge psychiatrique de proximité a déjà été mise en place mais ne suffit pas. Des thérapeutes venant de tous les pays reçoivent les jeunes patients et si besoin leur famille, individuellement ou en groupe de  psychothérapies. Outre la pratique de la langue d’origine, l’objectif de la consultation est de prendre en  compte les antécédents culturels (guérisseur, sorcellerie…) pour améliorer la prise en charge.
http://www.clinique-transculturelle.org

Les médiatrices interculturelles à l’hôpital Robert Debré

Face aux difficultés d’accès à la langue française (lecture, écriture, parole) pour environ la moitié des personnes accueillies à l’hôpital, une équipe de quatre médiatrices interculturelles a été mise en place en 2000. Les médiatrices interculturelles constituent un véritable lien entre les malades et leurs familles ainsi qu’avec le personnel médical et administratif. Elles sont présentes auprès des parents, à leur écoute pour les apaiser, les rassurer et les aider à comprendre, afin de diminuer leurs craintes vis-à-vis d’une maladie ou d’un traitement. Elles parlent le mandarin, le cantonnais, le tamoul et le russe, et quelques dialectes africains. Elles connaissent la langue et la culture dont elles sont originaires, et maîtrisent parfaitement le français. Il s’agit pour elles de faire comprendre aux parents la maladie de leur enfant, ce qui dépasse largement la traduction et demande à s’adapter à la culture de la personne concernée. Elles aident aussi les parents dans leurs démarches administratives à l’intérieur de l’hôpital (admissions, état civil,  permanences de sécurité sociale…) et à l’extérieur de l’hôpital (consultations dans d’autres hôpitaux, accompagnement à la brigade des mineurs et au tribunal, service social des mairies, PMI…).
L’équipe des médiatrices fait partie du service social hospitalier de l’établissement, rattachée à la direction de la qualité et de la clientèle.
> Contact : Lydia Lacour, responsable communication à l’hôpital Robert Debré lydia.lacour@rdb.aphp.fr 

L'outil informatique à l'Institut Mutualiste Montsouris (IMM)

L'Institut Mutualiste Montsouris (Paris) a financé et lancé, le 14 décembre 2011, un site internet disponible en plusieurs langues, notamment en anglais, portugais et italien. Le site, accessible depuis le site portail de l'Institut, donne aux patients l'accès à toutes les informations nécessaires concernant l'organisation des soins et les traitements proposés. Il leur offre également la possibilité de créer, dans la langue choisie, un compte sécurisé pour la transmission de leurs données médicales entre l'hôpital et leur médecin traitant. Des patients étrangers ont d'ailleurs contacté l'Institut et mis leur dossier médical en ligne pour espérer être pris en charge au sein de l'IMM.
> Contact : Françoise Prost, responsable communication à l’IMM, francoise.prost@imm.fr

La prise en charge des étrangers en situation précaire

Celle-ci est assurée par trois dispositifs publics de prise en charge médicale:

La CMU

La Couverture Médicale Universelle permet l’accès à l’assurance maladie pour toutes les personnes
résidant en France de manière stable et régulière depuis plus de trois mois, sans critère de nationalité, mais qui ne sont pas couvertes de part leur statut (chômeurs non indemnisés, jeunes sans activité cessant d’être ayant droit de leurs parents, personnes séparées de leur conjoint et sans activité professionnelle…).

L’AME

L’Aide Médicale de l’Etat vise à permettre l’accès aux soins des personnes étrangères résidant en
France de manière ininterrompue depuis plus de trois mois, mais qui sont en situation irrégulière (absence de titre de séjour ou de récépissé de demande). A titre exceptionnel, sur décision du ministre responsable, l’AME peut être accordée à des personnes de passage sur le territoire français dont l’état de santé le  justifie (accident…). L’aide médicale est accordée pour un an, sous conditions de ressources. Les soins de maladie, maternité et le forfait hospitalier sont pris en charge à 100%. L’Aide Médicale d’Etat représente bien moins de 1% des dépenses courantes de santé (Drees, septembre 2009, Les comptes nationaux de la santé en 2008).

Les PASS

Les Permanences d’Accès aux Soins de Santé, créées en 1998 dans le cadre de la lutte contre l’exclusion sociale (loi du 29 juillet 1998), sont des cellules de prise en charge médico-sociales qui facilitent l’accès aux soins de tous les plus démunis, au système hospitalier et aux réseaux institutionnels ou associatifs de soins, d’accueil et d’accompagnement, ceux-ci favorisant la reconnaissance de leurs droits en matière de couverture sociale. 

La coopération sanitaire transfrontalière

La coopération transfrontalière sanitaire s’est d’abord développée hors de tout cadre institutionnel, en réponse au flux de patients frontaliers en quête de soins de proximité et de qualité ou de la législation. Elle se concrétise aujourd’hui dans un cadre formalisé autour de bassin de vie aux caractéristiques épidémiologiques très proches. Ces initiatives sont fondées sur une recherche de complémentarité entre les établissements partenaires : échanges de personnel qualifié, mise en commun d’un équipement lourd, échanges d’expériences, formation professionnelle…
Si l’intérêt pour les patients et pour les établissements apparaît évident, la coopération transfrontalière sanitaire n’est pourtant pas aisée à construire. Le premier obstacle reste linguistique, voire culturel même si de nombreuses initiatives sont tentées (cours de langue, glossaire bilingue…). C’est d’ailleurs à la frontière entre la Belgique et la France que l’on trouve le plus grand nombre de partenariats entre établissements hospitaliers. Les systèmes de santé présentent également d’importantes différences suivant les pays, qu’il s’agisse des contenus de la formation initiale, de l’organisation interne des établissements, du financement, des modalités de remboursement, de la réglementation, des contraintes administratives… En France, la Mission Opérationnelle Transfrontalière (MOT), créée en 1999 a pour objectif principal de faciliter  l’émergence et la réalisation de projets transfrontaliers (au sens français du terme), en favorisant  l’articulation des territoires de part et d’autres des frontières. Le site Internet de la MOT recense l’ensemble des projets et partenariats de coopération sanitaires existants, classés par thème et par région.
www.espaces-transfrontaliers.org  

Puigcerdà, ouverture en 2014 du premier hôpital transfrontalier d’Europe

Située au cœur de la montagne catalane, la Cerdagne se déploie de part et d’autre de la frontière franco-espagnole. La population de cette région touristique est multipliée par cinq chaque été. La Cerdagne n’est pas préparée à une telle explosion démographique saisonnière. Et surtout, elle manque d’une structure hospitalière capable de faire face aux urgences. Début 2014, le nouvel hôpital, dont la capacité d’accueil est fixée à 68 lits, sera accessible aux patients français exactement dans les mêmes conditions que n’importe quel autre établissement situé dans l’hexagone. L’hôpital fonctionnera en réseau, notamment pour la prise en charge des pathologies graves, grâce à des conventions avec les responsables des centres hospitaliers de Toulouse et de Perpignan ainsi que leurs homologues espagnols. Cette expérience unique n’est possible qu’au prix de gros efforts d’harmonisation. Il s’agit notamment de faire coïncider des systèmes profondément différents : en Espagne, par exemple, le domaine de la santé est entièrement décentralisé.
La “Generalitat de Catalunya” (l’Administration régionale de Catalogne) est donc souveraine sur ce dossier ; tandis qu’en France, les décisions incombent entièrement à l’Etat. Le projet sera géré par un groupement européen de coopération transfrontalière (GECT). Ce nouvel outil communautaire, permet de simplifier les procédures et de surmonter les barrières constitutionnelles, légales et financières, qui ont pu jusqu’à présent faire obstacle aux projets de développement transfrontalier. Pour la première fois dans un même hôpital, patients et personnels seront Français ou Espagnols.
www.espaces-transfrontaliers.eu
 

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