Le dernier rapport de l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies confirme le retour de l'héroïne et la diffusion de la cocaïne
[APM] Le dernier état des lieux de l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT), rendu public jeudi, a confirmé le retour de l'héroïne et la diffusion de la cocaïne.
L'OFDT a rendu public jeudi deux études de son dispositif Trend (Tendances récentes et nouvelles drogues): l'une concerne l'usage de drogues illicites en France sur la période récente (2007-09) et l'autre, une analyse des tendances depuis 1999.
Sur la période 2007-09, l'étude confirme le "retour" de l'héroïne mis à jour par le dispositif en 2006. La disponibilité du produit est en hausse sur la quasi-totalité des sites du dispositif et outre les populations traditionnellement usagères au sein de l'espace urbain, des consommateurs souvent plus jeunes et plus insérés socialement sont apparus.
De nouveaux espaces de consommation se sont développés comme la scène festive et il semble que la pratique du "sniff" prenne de l'ampleur. "L'essor du sniff comme mode d'administration et une moindre crainte de la dépendance, compte tenu des traitements de substitution, peuvent expliquer ce renouveau", indiquent les auteurs du rapport.
Les cas de surdoses dans lesquels l'héroïne est impliquée sont en progression (29% en 2004, 36% en 2006 et 45% en 2007). Les auteurs craignent que ce phénomène ne soit une conséquence d'une "méconnaissance des dangers de l'héroïne par des usagers peu avertis alors que, dans le même temps, l'augmentation de l'offre s'est accompagnée d'une hausse du nombre d'échantillons fortement dosés".
Les données montrent également une progression des prises de risques, en particulier infectieux (hépatite C - VHC), notamment chez les usagers les plus précaires.
Du côté des stimulants, le rapport insiste sur la poursuite de la diffusion de la cocaïne et le développement continu de la forme base qui permet de la consommer "fumée". Les dernières données mettent en évidence l'émergence d'un nouveau groupe de consommateurs: des jeunes de milieux populaires qui ne fumaient que du cannabis jusqu'à présent.
En matière de stimulants synthétiques, deux tendances ont été observées: une désaffection relative pour l'ecstasy au profit des amphétamines et dans le même temps on constate, concernant l'ecstasy, un attrait de plus en plus marqué pour les formes en poudre au détriment du comprimé.
Le rapport signale l'émergence du détournement de Ritaline* (méthylphénidate, Novartis) qui est indiqué dans le trouble déficitaire de l'attention avec hyperactivité.
Le rapport revient également sur le rôle du trafic sur internet et signale son importance dans la diffusion de nouvelles molécules uniquement distribuées par ce biais. C'est le cas notamment de mélanges de plantes tels le Spice et le Gorilla, dont les composants cannabinoïdes ont été classés comme stupéfiants en février 2009.
Dans l'analyse de la consommation entre 1999 et 2009, qui reprend l'ensemble des données collectées avec le dispositif Trend, les auteurs font un bilan contrasté de la politique de substitution. Ils estiment que la diminution des contaminations à VIH et de la marginalisation constitue "un résultat positif" de la politique de réduction des risques dans laquelle s'inscrivent les traitements de substitution aux opiacés (TSO).
Pour ce qui concerne la buprénorphine haut dosage, les auteurs considèrent que son effet pharmacologique chez un sujet naïf ou peu sensibilisé aux opiacés, la possibilité de l'injecter en dehors du cadre médical, son statut de substitut de l'héroïne qui en fait un équivalent symbolique dans l'imaginaire collectif et sa large accessibilité liée à son mode de délivrance, ont créé "les conditions pour faire de ce médicament une drogue". Ses propriétés pharmacologiques -qui n'interdisent pas l'utilisation de la cocaïne-, sa disponibilité et son faible coût ont multiplié "les possibilités de ce double usage aux dynamiques pharmacologiques, psychologiques et sociales, favorisant chez les usagers des phénomènes de dépendances croisées".
"Pour autant, des aspects sanitaires et sociaux préoccupants demeurent, une fois ces problèmes résolus, comme les taux de contamination au VHC ou le développement de nouvelles formes de toxicomanies", indiquent les auteurs.
Pour faire face à ces nouveaux problèmes, ils estiment qu'"une compréhension du nouveau contexte créé par l'introduction des TSO et l'analyse des points forts et des limites de cette politique qui a rendu possible ces avancées" pourrait permettre de poser "les bases des orientations à venir".
L'analyse de l'état de santé des usagers problématiques met en évidence une amélioration de la situation concernant les contaminations par le VIH mais cette population connaît encore "une morbidité et une mortalité beaucoup plus élevées que la population générale".
Les auteurs estiment que le dispositif de prise en charge sanitaire doit "tendre à une appréhension plus globale de la santé des usagers de drogues" et qu'il doit être plus réactif pour s'adapter aux nouveaux usages.
La consommation de cocaïne a connu une progression de l'offre et de la demande. Au cours de la décennie, cette drogue a continuellement touché des milieux sociaux extrêmement hétérogènes auprès desquels elle jouit d'une excellente image.
Concernant le cannabis, l'étude montre que la part de la population adulte ayant expérimenté le cannabis n'a cessé d'augmenter: elle est passée de 18% en 1992 à 40% en 2005, chez les 18-44 ans. Cette augmentation est en partie due à la banalisation de l'expérimentation du cannabis chez les jeunes.
Après une phase de développement longue d'une dizaine d'années, il semble que l'ecstasy (MDMA) soit passée à une période de "désamour perceptible allant même jusqu'à une forme de 'ringardisation'". Les enquêtes ont montré une chute significative de sa consommation depuis 2005. Les auteurs alertent néanmoins sur le fait que l'ecstasy réapparaît sous de nouvelles formes (poudre et cristaux de MDMA), qui malgré leurs prix plus élevés, bénéficient d'une image de plus en plus favorable.
co/ab/APM polsan
redaction@apmnews.com
PARIS, 4 février 2010 (APM)
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